Paris futur urbain

- Sauve qui ban(c) public -

Bibliographie:
Reprendre place, Contre l'architecture du mépris, Mickaël Labbé (Payot, 2019)

Progressivement Paris renouvelle anarchiquement son futur de ville touristique avec des innovations multiples dans son mobilier urbain. Chaque arrondissement y vas de son initiative, loin du traditionnel banc double avec son dossier et ses trois places de chaque côté. Il faut dire que ces bancs permettaient beaucoup de libéralités comme permettre à quelqu'un de dormir dessus, à des gens de partager socialement la surface utile voire même de reposer son dos grâce à un dossier, etc. Non, le Paris du futur se doit d'être individualiste, de chasser les mauvais usages et de se recentrer sur les fondamentaux des citoyens municipaux.

J'ai eu l'idée de commencer cette collection aprés avoir vu ce spécimen devant la mairie du XVIIème avec cette revisite du banc public dans le sens absolu du citoyen seul face aux périple d'être sur le territoire de sa ville.

Mais cette observation n'est véritablement devenue une collection qu'avec mon observation de ce spectaculaire groupe de tabourets public que l'on trouve place de l'Alma côté XVIème. Négation de la géométrie, nihilisme des valeurs sociales et abandon des dossiers. Je me suis même demandé s'il s'agissait encore de mobilier urbain. En tout cas ce futurisme véhicule certaines valeurs qui semblent propres à l'extrème ouest de la rive droite de la capitale.

Ensuite, traversant le VIème en bus, j'ai aperçu sur le boulevard Raspail un modèle à l'esthétique bien moderne, en métal et sans dossier. Assez bas d'assise il est curieusement biplace mais avec un appendice prohibant la possibilité de profiter des deux emplacements qu'il présente en même temps. De toute façon il était trop court pour laisser la possibilité de s'allonger.

On a bien parlé de l'idéologie présumée du mobilier urbain du XVIème, restait à la comparer avec celle du XVIIIème. Au premier abord, avenue Montaigne, on pense à un banc amical, certes de basse assise et sans dossier ni accoudoirs mais présentant presque trois places pouvant permettre une station allongée, malgré sa facture luxueuse en pierre. Il pleuvait le jour de ma photo donc la pluie s'y accumulait alors mais cela reste pas trop mal.

Plus loin, aux abords de la gare Saint Lazare, on trouve aussi des pièces distinctes sur une photo prise par ma soeur Camille. Cela rappelle assez clairement les initiatives du VIIIème mais ici avec des accoudoirs pour une assise encore plus confortable. Notez au passage la disposition à première vue anarchique (poétique ? politique ?) de ces éléments. On a même l'impression que l'on vas pouvoir les déplacer pour obtenir un agencement sociable mais bien évidement il n'en est rien. Modèle hyper futuriste qui va encore plus loin que celui de la mairie du XVIIème. Semblable, il pousse le paroxysme en proposant du surcroît des accoudoirs qui en font le modèle le plus extrème de cette collection pour le moment. De là à croire que son emplacement devant la gare Saint Lazare est en fait en message aux arrivants dans la capitale, la question se pose d'autant plus que l'on est ici tellement loin du concept de banc que l'on a l'impression que cette s'est perdue dans son propre concept. Le futur est ici, ces valeurs sont celles des citoyens.

La photo suivante, IXème arrondissement place de la Trinité, peut paraître hors sujet mais on fini par se convaincre que ces blocs de pierre sont bien conçus pour permettre de s'assoir. Là encore avec un agencement anarchique, ces démonstrations d'un minimalisme latent cumule bien des objectifs antisociaux et mono-tâches. Ils ne sont pas loin des bancs de l'avenue Montaigne évoqués plus haut, mais ces tabourets vont jusqu'à la limite de ce que l'on peut assimiler à du mobilier urbain à destination d'assise.

Place de Clichy, croisement de multiples arrondissements, merveille cosmopolite. A priori côté XVIIème de l'ilot central, on trouve, dans un bien piêtre état ces vestiges déjà, de nouvelles innovations en mobilier urbain. Pas de dossiers et un karma de socialisation au minimum, mais cependant une proximité de la végétation locale impressionante. Mieux se croiser pour mieux s'ignorer. Dur à comprendre, malheureusement. Espoir cependant.

On peux souvent spéculer sur la rivalité entre le XVème et le XVIème, du point de vue général, sociologique et idéologique, et le mobilier urbain nous donne ici aussi du grain à moudre. Ici le premier coup d'oeil est troublant: des tabourets ! Alors que ceux très semblables rencontrés à l'Alma côté XVIème, étaient disposés alétoirement et espacés, on en trouve ici disposés en cercle autour d'un arbre sur cette photo prise par mon oncle René rue Vaugirard. Si l'aléa opposé était déconcertant et dénoncait peut-être une certaine conception de l'individualisme, le cerle ici lance toute une série de spéculations. Sans dossier, on est ici libre de s'ignorer. Ouf. La forme en losange arrondi faut aussi se poser un paquet de question sur la possiblité d'une assise et celle de s'allonger sous réservé de se cambrer. A noter qu'il y a un spot similaire dans le XVIème à l'Alma à côté de l'emplacement de la photo présentée ultérieurement sur cette page.

Le Panthéon, le Paris alternatif et décadent dans le Vème. On s'attend à des bancs et effectivement on en trouve. Dossier, bois apparent, surface plus importante que la moyenne, bref l'extase, et en plus ils sont nombreux. Confortables et même adaptés aux siestes de personnes de grande taille (quatre places) ils culminent haut dans cette présentation. La grande classe même bien que ce soit rive gauche. Bravo car ils sont en plus double face. Quel symbole !

Un modèle connu mais cette fois dans le Vème au métro Jussieu. On vas finir par croire que les compétences juridiques pour le choix des bancs est en faite municipale et non arrondissementale (je requiert pour cela l'intervention d'un juriste en droit public). Bref, pas bien original, mais pourtant pertinent. Un tel choix aussi à l'Est génère un effet de surprise mais après tout on est bien rîve gauche. Solitude, incomfort et restrictivité, ce modèle s'est bel et bien propagé.

La Madeleine dans le 8ème ! Nouveau design, belle dynamique et indécente invitation au partage ! Une courbure elliptique à rendre fou tout en restant dans une facture très classique. Une revisite qui n'est pas sans poser un certain nombre de questions sur le type scoliose de ses invités et une énigme quant à la discussion dans le cadre interne en restant dans l'éventualité que l'arbre central pousse. En tous cas, encontre science-fiction dans un arrondissement usuellement peu porté sur de telles valeures exploratoires.

Je sais pas pour quelle forme de cul c'est optimisé mais ça se passe Porte de Vanves dans le XVI, dans l'espace RATP d'une station de tramway. En tout cas c'est faible soutien pour un délai d'attente de moins de 10 minutes. Le reste n'est verbiage inutile de géomètre. Plan oblique pour passer un instant entre deux correspondances, de quoi nourrir une vision toute personnelle d'un espace qui reste quand même public.

Pour référence et finir sur une note optimiste en provenance des plus belles villes de province, Montpellier:



Saint Jean de Luz:



et ici à Avignon:



Il reste de l'espoir.

N'hésitez pas à me contacter sur habett@habett.org pour me communiquer vos découvertes (photos ou adresses) dignes d'intégrer cette collection.